Sens et collaboration conduisent à l’envie d’apprendre

Je laisse la parole aujourd’hui à Philippe Meirieu, spécialiste des sciences de l’éducation, pour évoquer ce qui peut (re)booster chez l’enfant l’envie d’apprendre. Dans l’émission Etre et Savoir du 9 octobre dernier (1), il expliquait tout d’abord la différence entre « savoir » et « apprendre ». Selon lui, l’envie de savoir relève de l’immédiateté, alors que l’envie d’apprendre nécessite l’effort de comprendre, d’expérimenter, de déconstruire. Or, c’est cet effort qui est souvent décourageant pour les élèves, car il nécessite de surmonter un obstacle… Et dans une société où tout semble s’obtenir en un clic, il est difficile de différer la satisfaction immédiate qui anime l’envie de savoir.

La pédagogie de projet consiste précisément à stimuler l’envie d’apprendre. Elle fait travailler les élèves en groupes autour de problématiques concrètes qui nécessitent des recherches pour aboutir au bout d’un temps imparti à une présentation au groupe (élèves, professeurs, mais aussi parents). Selon les projets impulsés, cette présentation peut prendre différentes formes : exposé, maquette, journal, performance artistique... Par exemple, à l’occasion de l’étude de Robinson Crusoe, Deux Ans de vacances ou Vendredi ou la vie sauvage en classe de français, on peut poser aux élèves la question suivante : « Choisissez une région du globe. Imaginez que vous échouiez sur une île déserte, comment feriez-vous pour y survivre un an ? » Les recherches s’effectuent alors en lien avec les professeurs de géographie, de sciences et de technologie, car elles vont nécessiter l’acquisition de connaissances précises pour aboutir à des réponses concrètes. 

La pédagogie de projet apparaît tout à fait adaptée au développement de l’envie d’apprendre chez les jeunes. « Avec un enfant qui aime le modélisme, on va pouvoir travailler la géométrie, et au-delà on va pouvoir travailler la physique. (…) C’est ce travail d’accompagnement du désir immédiat vers l’exigence intellectuelle, vers le dépassement de soi qui fait grandir. », explique Philippe Meirieu.

Et le fait même de pouvoir collaborer entre élèves participe à cette saine émulation. Invité le 10 octobre à la conférence du festival Le Monde consacrée à l’envie d’apprendre (2), le pédagogue est à ce propos revenu sur l’importance de l’entraide entre élèves : « L’idéologie qui domine, c’est que quand deux élèves discutent ensemble, ils complotent contre le maître. Hé bien ce n’est pas le cas. L’entraide entre élèves bénéficie à tout le monde (…), à la fois à celui qui est aidé et à celui qui aide. Nous savons que celui qui est aidé va progresser parce qu’il va entendre des choses formulées différemment, et que celui qui aide va aller plus à fond dans ses savoirs, et qu’il va expliquer mieux. Et nous savons qu’ils vont découvrir le besoin que l’on a de l’autre pour progresser soi-même, besoin structurant de la sociabilité, de la solidarité. »

C’est pourquoi, d’après Philippe Meirieu, « C’est l’éducation nationale toute entière qui doit s’emparer de ce projet », en ne négligeant ni le sens donné aux apprentissages, souvent trop éloignés des centres d’intérêt des enfants, ni la formation continue des enseignants, pour repenser les approches pédagogiques, parfois encore trop technicistes, normatives et qui demandent à l’enfant de travailler seul alors que la collaboration stimule l’apprentissage

Nathalie Anton

(1) Louise Tourret, France Culture, 09/09/2018.

(2) Donner l’envie d’apprendre, un jeu d’enfant ?, Le Monde Festival, 10/10/2018.

Opter pour la coopération scolaire, pas pour la compétition

une-idee-folle-ecole-documentaire-bande-annonce-1Une idée folle : passionnant documentaire de Judith Grumbach sur l’école et les orientations pédagogiques permettant de former de futurs citoyens dans un monde en mutation notamment écologique et technologique. Au moment où les notes commencent à s’accumuler sur le bulletin du premier trimestre de vos enfants, voici extrait de ce documentaire le regard que porte le biologiste et fondateur du Centre de Recherche Interdisciplinaire François Taddéi, sur notre système scolaire encore trop élitiste :

« Le problème d’un système éducatif basé sur la compétition, c’est que par définition, il n’y aura qu’un seul premier de classe par classe. Et si en plus l’on crée des classes dans lesquelles on met tous les premiers de classe, alors il y aura très peu d’enfants qui auront été premiers de classe toute leur vie. Et si quand on n’est pas premier de classe on croit qu’on est un moins que rien, cela veut dire qu’on crée une société dans laquelle la plupart des gens sont convaincus qu’ils ont très peu de valeur, et ça c’est juste catastrophique.

Par contre, si on apprend à coopérer, et si on apprend à se rendre compte qu’au-delà des capacités individuelles de chacun, le collectif est capable de faire des choses qu’aucun d’entre nous se saurait faire seul, alors on développe complètement une autre perspective, et que ce soit dans le monde de l’entreprise, le monde associatif ou même dans la famille : à tous ces échelons-là, on a évidemment besoin de coopérer pour arriver à faire mieux ensemble qu’on ne saurait faire seul. »

Une idée… bien plus sage que folle !

Nathalie Anton