Enquête de climat scolaire et de victimation 2022

Les résultats de l’enquête collège de climat scolaire et de victimation(1) réalisée au printemps 2022 par le ministère de l’Education nationale et de la jeunesse ont été publiés le mois dernier par la Direction de l’évaluation, de la prospective et de la performance (Depp). Si « 93 % des collégiens déclarent se sentir « bien » ou « tout à fait bien » dans leur établissement scolaire », quelques chiffres attirent l’attention cependant :

En ce qui concerne les relations entre pairs, les élèves sont moins nombreux qu’en 2017 à déclarer avoir « plutôt beaucoup » ou « beaucoup » d’amis (81 % contre 89 % chez les filles, et 87 % contre 91 % chez les garçons). On peut légitimement se demander si le Covid n’a pas eu un effet sur la sociabilisation des plus jeunes.

Un point positif, les élèves sont plus nombreux à déclarer observer « pas du tout ou pas beaucoup de violence dans le collège » (79,6 en 2022 contre 77,7 % en 2017). On déplore cependant toujours une nette différence dans les déclaration entre les élèves des établissements en réseau d’éducation prioritaire (REP+) qui ne sont que 65,1 % à soutenir ce constat. Globalement, les atteintes les plus fréquentes sont les vols de fournitures scolaires (54 % des collégiens), les surnoms désagréables (44 %), les insultes (43 %) et les mises à l’écart (43 %).

Par rapport au travail scolaire, « 70 % des élèves jaugent leur travail scolaire hebdomadaire (en dehors des heures de cours) inférieur à deux heures ». En réseau d’éducation prioritaire renforcé (REP+), ce taux atteint 82 %. » Ce chiffre interroge : les devoirs maison auraient-ils largement décru ? Les élèves seraient-ils plus efficaces ? Auraient-ils moins de temps à leur consacrer ? Mystère…

Autre chiffre particulièrement frappant : seuls 48,8 % des collégiens interrogés sont « plutôt d’accord ou tout à fait d’accord à l’idée que ce que l’on apprend est utile pour plus tard »… Quelle fracture entre ce qui semble relever de l’évidence pour l’institution (notamment en termes de formation du citoyen), et ces jeunes qu’elle accueille ! D’ailleurs, si 87 % des élèves de sixième jugent que le contenu de l’apprentissage est plutôt ou tout à fait intéressant, ils ne sont plus que 70 % en classe troisième à le penser… Edifiant.

Côté relations avec les adultes, la perception de l’injustice des punitions scolaires s’est encore accrue : seulement 67,5 % des collégiens en 2022 estiment que les sanctions et les punitions sont plutôt ou très justes, contre 70,1 % en 2017. Certes, les élèves punis sont rarement contents de l’être, mais passé ce mouvement d’amertume, les discussions avec les adultes devraient idéalement permettre de comprendre la punition et le respect des règles pour assurer le vivre ensemble.

Enfin, je relèverai quelques reproductions de stéréotypes de genre mises au jour par l’enquête : les punitions touchent deux fois moins les filles que les garçons (37 % contre 63 %), signe probable que ces derniers intériorisent la transgression comme marqueur de virilité. Par ailleurs, sans surprise, hélas, « les filles ont un sentiment de sécurité moindre dans les transports pour venir au collège : 78 % d’entre elles déclarent s’y sentir plutôt ou tout à fait en sécurité contre 91 % des garçons. » Ainsi, parmi les 16 % des élèves ayant déclaré ne pas être venus au collège par peur, au moins une fois dans l’année scolaire, elles sont sont deux fois plus nombreuses que les garçons.

Ces chiffres offrent matière à réflexion pour les éducateurs que nous sommes : le climat scolaire est fortement corrélé à la réussite et au bien-être des jeunes accueillis dans les établissement, c’est pourquoi son amélioration doit rester une priorité !

Nathalie Anton

(1)Traore B., 2023, « 93 % des élèves déclarent se sentir « bien » ou « tout à fait bien » dans leur collège », Note d’Information, n° 23.07, DEPP. https://doi.org/10.48464/ni-23-07

Développer le sentiment d’appartenance à l’école

Je reviens en ce début d’année sur l’une des conclusions du rapport PISA (Programme International pour le suivi des acquis) publié en 2012 par l’OCDE (Organisation de Coopération et de Développement Économiques) :

« La France se situe toujours bien en dessous de la moyenne de l’OCDE, contrairement au Liechtenstein, à l’Autriche ou à la Suisse, où au moins quatre élèves sur cinq se sentent chez eux à l’école, contre moins d’un élève sur deux en France. La France, avec seulement 47 % des élèves déclarant se sentir chez eux à l’école, affiche la proportion la plus basse de tous les pays et économies ayant participé au cycle PISA 2012. »

Ce sentiment d’appartenance, ressenti par les élèves vis-à-vis de leur établissement scolaire, constitue l’un des indicateurs du climat scolaire, au même titre que :

– la qualité des relations existant entre les membres de l’établissement

 – la qualité de la formation et des apprentissages

– le sentiment de sûreté et de confiance à l’intérieur de l’établissement

– le sentiment de justice relatif à la constance et la cohérence dans l’application des règles

Comme les indicateurs de climat scolaire précédemment cités, le sentiment d’appartenance contribue à asseoir le respect et la motivation des élèves. En effet, lorsque ces derniers se sentent engagés dans la vie de leur établissement, à travers notamment :

– l’organisation et la participation à des actions culturelles, sportives, préventives et festives

– la mise en place de groupes d’entraide et de soutien

– des occasions de rencontre et d’échange avec les parents d’élèves fréquentes, pas nécessairement liées aux notes ou à la discipline

– le développement d’un sentiment de fierté de faire partie de l’établissement grâce à des valeurs communes exprimées (esprit de partage, de respect, de justice, par exemple…)

ils prennent alors du plaisir à aller à l’école et savent s’appuyer sur la communauté pour s’épanouir aussi bien sur les plans personnels que scolaire.

Espérons que les chiffres de la prochaine étude en 2015 seront meilleurs en ce domaine !

Nathalie Anton

« Un esprit sain dans un corps sain »

J’évoquais dans mon dernier post consacré à la phobie scolaire différents facteurs pouvant conduire les enfants à éviter l’école. Je rebondis sur cette notion d’évitement en citant aujourd’hui un article paru le 11 mars 2014 sur le site Lemonde.fr, rapportant les conclusions d’un rapport présenté par l’Observatoire national de la sécurité et de l’accessibilité des établissements d’enseignement (ONS), consacré... aux toilettes des établissements :

« Les élèves évitent d’utiliser les toilettes dans près d’un tiers des collèges et lycées. (…) 28 % des établissements, surtout des collèges, ont signalé au moins un cas d’élève ayant renoncé à utiliser les toilettes scolaires, 42 % des élèves se plaignant du manque de papier, 32 % des odeurs, 23 % de la propreté, et 12 % du manque d’intimité des installations. (…)  La consommation de drogue et d’alcool concerne surtout les lycées, 10 % des LEGT et 11 % des LP signalant des cas d’absorption de boissons alcoolisées dans les sanitaires des garçons, 8 % des LP et 5 % des LEGT signalant des cas de consommation de drogue ».

S’il n’est évidemment pas question d’associer une pathologie aussi complexe que la phobie scolaire à l’état des sanitaires des établissements, il n’en reste pas moins que le goût pour l’école et la réussite dépendent aussi des conditions de bien-être qui lui sont associées. Les toilettes renvoient non seulement aux problématiques de la sécurité et du respect de l’espace commun, mais aussi à celles du corps et de l’intimité… Or, il est Impossible de bien penser lorsque le corps est souffrant : le problème des toilettes constitue d’ailleurs la question récurrente posée avec celle des menus de la cantine par les délégués aux conseils de classe ! Occulter ou minimiser le corporel au prétexte que l’éducation ne s’adresserait qu’à l’intelligence constitue une erreur déjà dénoncée par le poète latin Juvenal au Ier siècle de notre ère, et par les Humanistes de la Renaissance (cf. l’éducation de Gargantua proposée par Rabelais) : « Un esprit sain dans un corps sain » ! Telle est la devise qui doit présider à la mise en place d’un cadre de travail adapté et respectueux de l’élève dans son intégrité.

Nathalie Anton